Dans le travail de Gabrielle Regnault, tout passe par la matière, et par ses matières. D’une formation de peintre en décor, et de ses premières missions chez Pierre Bonnefille, naissent l’expérience du relief, des volumes, des teintes, et les premières réalisations pour Christian Liaigre. Elle approfondit ses expérimentations des enduits, gravant en creux, sculptant en saillie, et propose aujourd’hui dans son propre atelier des décors organiques, oniriques et raffinés, parfois rehaussés de dorure. Elle applique sa technique à même les murs, sur panneaux assemblés, et même sur l’objet : têtes de lit, portes de dressing, luminaires…

Ce travail tridimensionnel, ce dialogue constant avec la matière et ses formes, prend un nouveau chemin lorsqu’elle découvre le washi, papier d’ameublement, à l’occasion d’un projet de Kengo Kuma au Japon. De retour en France, elle expérimente en encrant directement ses plaques d’enduit, et en y pressant son nouveau médium, la surface plane et unie du papier. Les plaques deviennent alors les matrices d’impressions uniques, à la manière du block-print inversé, dont l’aboutissement sera le papier ainsi imprimé.

Depuis 2023, Gabrielle explore également le papier hanji, de Corée. Hanji et washi sont deux supports robustes et d’une finesse incomparable. Les plaques sculptées, enduites d’encres fabriquées dans son atelier, permettent un transfert minutieux sur le papier, et un effet chaque fois différent en fonction de la trame du papier, de la densité de l’encrage, de la force de la presse. Les nuances s’imprègnent alors en une multitude de pointillés qui courent dans la fibre, créant des compositions organiques, dont certaines rappellent le galuchat. Chaque domino, chaque trame raconte une version unique du motif et de l’histoire originels définis par la plaque gravée. Le papier, utilisé sous forme de lés dominotés isolés, de triptyques, ou de séries, permet des combinaisons infinies de motifs et de nuances.

Gabrielle Regnault peut alors se détacher de la verticalité du format traditionnel du papier peint, pour imaginer des compositions murales spécialement pensées pour le projet. Ces créations, réalisées sur un support à la fois sensoriellement délicat et fonctionnellement solide, sont destinées à habiller les murs, mais aussi des dossiers d’assises, des portes, des têtes de lit, des paravents, ou permettent de concevoir des séries de luminaires uniques réunis dans un ensemble cohérent car issus de la même matrice, conférant à ces objets utilitaires toute leur dimension artistique.

Au-delà de ses bas-reliefs, gravures et papiers imprimés artisanalement, Gabrielle Regnault propose des « objets décors », véritables œuvres décoratives et ornementales.  Ces pièces font entrer en résonance les pointillés de l’encre avec la broderie de perles de cristal et de verre, et redonnent du volume au papier, dans une cohésion sphérique. La robustesse du papier, et la finesse du fil à broder, si fin qu’il est invisible, associé au contre-collage sur un support, permettent à ces papiers précieux d’orner murs, portes, paravents. Toujours dans la tri-dimensionnalité, l’artiste propose des compositions issues de ses chutes de papiers imprimés. Ces fragments sont découpés, tressés, travaillés comme des feuilles ou des plumes, et s’inscrivent dans un second temps dans des œuvres murales — ou dans des compositions scénographiques parfois monumentales — pour des projets de décoration événementielle ou éphémères, offrant une seconde vie au papier. La légèreté de ces compositions les fait réagir et se mouvoir au moindre souffle d’air, conférant des ambiances oniriques et poétiques, comme l’œuvre présentée lors de la biennale Révélations 2023 à Paris.

Une approche sur mesure au service des architectes et des designers

Le travail de Gabrielle Regnault s’inscrit dans l’univers du luxe et de la haute décoration. Elle collabore avec des architectes et décorateurs d’intérieur pour concevoir des œuvres intégrées aux espaces qu’ils imaginent. Elle réalise en 2024 des portes d’un dressing et un décor de salle à manger à Marrakech pour Clémentine Vidal Laury, et en 2025, un bas-relief pour un projet de Stéphanie Coutas dans le sud de la France. Elle accueille ses clients dans le showroom parisien Jules et Jim, rue Thérèse à Paris, afin de discuter de leurs chantiers au milieu des échantillons de sa matériauthèque.

Les projets peuvent naître d’une idée précise, d’un besoin de l’architecte (habillement mural, mobilier, œuvre ornementale), ou d’une inspiration plus ouverte. Dans tous les cas, Gabrielle entame un processus de recherche : croquis, maquettes et échantillons sont réalisés pour affiner la composition finale.  Une fois l’idée artistique définie, et selon la nature du projet, la réalisation se fait soit in situ (les délais dépendent alors de l’avancement du chantier), soit sur panneaux en atelier, par exemple, qui seront par la suite assemblés. Cette souplesse lui permet de travailler en parallèle de la réalisation architecturale, tout en respectant les exigences des projets complexes.

Avec une interprétation personnelle de l’usage de la gravure, de l’enduit, du papier ou encore de la broderie, Gabrielle Regnault insuffle une seconde vie à la matière, même fragmentée. Ses créations, qu’elles soient murales, utilitaires, suspendues ou encadrées, sont conçues comme des œuvres vivantes, révélant un monde sensible de formes et de textures.

Elle parvient ainsi à donner aux intérieurs qu’elle habille une identité unique, où la matière devient le fil conducteur d’une histoire mêlant tradition et modernité.

Crédits : ©Franck Juery