ARTISTE CRÉATEUR DE SURFACES

Depuis plus de vingt ans, Samir Mazer explore les possibles du zellige marocain,
entre motifs, matière, rythme, textures et lumière.
Un nouveau regard sur un art séculaire.

De la direction artistique à la création de pièces uniques,
qui est Samir Mazer ?

Samir Mazer travaille depuis une vingtaine d’années le zellige traditionnel en tant que matière, au-delà du motif. Directeur artistique des Ateliers Zelij à Toulouse, il propose des collections de surfaces sur-mesure grâce à un éventail de motifs et de coloris à assembler. En tant qu’artiste, il se réalise aujourd’hui dans la création de pièces uniques, qui lui sont de plus en plus demandées. Avec une idée du projet, de la destination, de grandes maisons comme des particuliers attendent la vision du créateur, la surprise du motif, des formes et des coloris. Ils viennent chercher un propos d’artiste, une esthétique unique qui convoque l’imprévisible dans une poésie de la matière.

Comment Samir Mazer aborde-t-il le zellige ?

Nouveau regard sur un art ancestral pour un nouveau langage esthétique

Samir redécouvre le zellige de son enfance à Tétouan et explore les possibilités géométriques du zellige, singulier carré de terre cuite. Il cherche à créer un nouveau langage esthétique, détaché de la tradition mais ancré dans sa force spirituelle et la culture. Dans son atelier à Toulouse, il transforme l’espace du carré en un terrain d’expérimentation. Une nouvelle poésie géométrique émerge, mêlant origami, minimalisme et formes infinies. Chaque carreau, découpé en motifs géométriques, peut être réagencé comme un tangram, répété comme une séquence musicale colorée, avec des notes inattendues. Ces surfaces, apaisantes par leur répétition et surprenantes par la répartition des couleurs issues du nuancier traditionnel, créent des histoires sensibles. Pour Samir, elles sont avant tout une perception de la lumière, au-delà de la matière. Chaque fragment de zellige étant unique, il réfléchit la lumière en fonction des aspérités, des émaux, des nuances, des textures, de sa découpe, et bien sûr, en fonction de la luminosité qu’il capte avant de nous la renvoyer.

Quelles sont les origines et les spécificités du zellige ?

Le zellige est un savoir-faire marocain, issu des carrières d’argile et d’un geste ancestral qui n’a pas changé depuis des siècles. Traditionnellement, ce carreau de terre, destiné à matérialiser un art sacré, est dépossédé de sa matière pour n’exister que par le motif qu’il sert. Ces fragments d’argile émaillée, assemblés dans des séquences déterminées, précises, codifiées, forment un vocabulaire et un langage divin.  Fès, capitale du zellige au Maroc, regroupe les plus grands artisans et coloristes, qui produisent ces carrés d’argile de 10×10 cm, cuits au four à bois, puis taillés à la main. Seuls quelques outils ancestraux, dont la marteline, sèche et puissante, permettent aux artisans de sculpter ces délicats fragments, comme un alphabet de terre. Le zellige, dont la fonction de motif prend le pas sur les possibilités de la matière, trouve de nouveaux possibles entre les mains de Samir Mazer. Pour l’artiste, la préservation n’est pas suffisante pour garder une culture vivante. Il faut aussi la re-inventer.

Innovation dans le respect du geste traditionnel, des savoirs et des cultures

Samir Mazer et les Ateliers Zelij collaborent étroitement avec les maîtres zelligeurs de Fès au sein leur atelier partenaire. L’approche novatrice de Samir, en rupture, mais dans le respect de la tradition, trouve écho auprès d’une nouvelle génération d’artisans marocains, désireux de faire évoluer le zellige au-delà de ses frontières. La conception d’une résine permettant de préassembler les tesselles a également permis de repenser la logistique de pose. Les Ateliers Zelij et les artisans partagent aussi un engagement pour la préservation d’un art et d’une technique. Le zellige travaillé par Samir est labellisé « Zellige de Fès » et « Moroccan Hand-Made » par le ministère marocain de l’artisanat. L’atelier utilise des déchets revalorisés de la filière agroalimentaire pour alimenter ses fours, dans une démarche responsable de préservation de la matière et de son environnement.

Un exemple de réalisation avec L’Envol, au Royal Mansour Casablanca

Un dessin, une maquette, une œuvre peuvent être retenus avec comme point de départ créatif, un assemblage de couleurs, une combinaison géométrique ou encore une texture. Samir esquisse alors sa note d’intention artistique, donnant naissance à des échanges d’idées, d’inspirations avec le client, pour révéler une nouvelle histoire au-delà de la première l’intention. Vient ensuite la phase d’immersion dans le projet, en toute confidentialité. Les matières, les espaces, les destinations… L’œuvre finale de Samir doit entrer en symbiose avec ces éléments. L’Envol, fresque installée en janvier 2024 dans le restaurant panoramique du Royal Mansour Casablanca, est inspirée par Wave, une pièce de Samir créée en 2020, et retenue par Atelier 27 pour ce projet. Une visite sur place, pour s’imprégner des espaces, de l’environnement, a permis à Samir de repenser son œuvre originelle pour que cette nouvelle pièce entre en résonance avec le lieu. La réalisation a nécessité 200 heures de travail depuis la sélection des teintes jusqu’à l’assemblage de contrôle au sol. Les tesselles ont ensuite été retournées une à une pour être préassemblées permettant une pose de l’intégralité de l’œuvre in situ en deux jours. Pour ce projet, l’atelier partenaire des Ateliers Zelij a géré la pose, sous la supervision de Samir.

Initiateur d’un nouveau langage et d’un dialogue entre art séculaire, contemporain, design et artisanat, Samir Mazer invite à repenser notre rapport à l’art et à la matière, celle qui se métamorphose dans le regard de l’artiste, sous les doigts de l’artisan, et qui pare les intérieurs de toute sa poésie.

Vous pouvez découvrir une interview de Samir Mazer dans l’espace Rencontres.

Photos – ©Alexis Frespuech, ©Omar Tajmouati, ©Samir Mazer, @shirleydoukhan,
©Philippe Garcia BD, ©Jeremy Logeay, ©Victor Fleury Ponsin