Helena Bajaj Larsen
Créatrice Textile, une personnalité colorée !
Helena Bajaj Larsen est une Créatrice Textile. La soie, l’Inde, sa famille et sa large palette de formations artistiques constituent les éléments majeurs de la source de sa technique et de ses inspirations. Elle explique son choix de sujet de thèse et l’importance de cette dernière dans son parcours artistique. Une personnalité colorée qui vise à explorer de nouveaux supports ou apposer son art. Découverte de ses tissus, ses inspirations et son lien étroit avec l’Inde.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai 27 ans et je suis d’origine indienne par ma mère et norvégienne par mon père. J’ai intégré la Parsons Design School à New York pour un Bachelor en fashion design (stylisme) avec une spécialisation Materiality (textile). Pendant ces quatre années, j’ai réalisé un semestre à Saint Martins à Londres dans un programme spécialisé sur les textiles imprimés. Pendant cette période, j’ai effectué des stages en alternance : chez Marie Katrantzou, Vogue, Thakoon, Nina Ricci… ainsi que des stages de broderie en Inde.
J’ai très vite découvert un attrait particulier pour le tissu, et en particulier la soie. Pour ma thèse de fin d’études à Parsons, j’ai développé une collection de tissus en soie peints à la main. Chaque tissu est donc unique. Après mes études, j’ai postulé à de nombreux concours à travers lesquels j’ai pu avoir des accès à des incubateurs, etc. J’ai notamment travaillé deux mois pour la marque Urban Zen de Donna Karan à Port-au-Prince pour développer des collections avec des artisans haïtiens pour ses boutiques aux US.
C’est là que j’ai été exposée à des matériaux et produits différents du tissu et de la mode : des objets maison, des accessoires en cuir, de la céramique, du bois, de la corne… Ce qui a confirmé mon désir d’être artiste textile pour des projets divers plutôt qu’uniquement la mode.
Comment avez-vous lancé votre propre entreprise ?
Le premier incubateur que j’ai ensuite intégré était en Inde. J’y ai développé une nouvelle collection en février 2018, ce qui a officiellement lancé ma marque. J’ai eu la chance d’être beaucoup couverte par la presse indienne, et ma carrière s’est réellement lancée là-bas, sur le marché indien.
J’ai également par la suite développé une clientèle en Europe, au Moyen-Orient, aux États-Unis, et réalisé des projets dans le monde entier. C’est par les concours jeunes créateurs que j’ai eu accès à des plateformes internationales permettant de me faire connaître. Avec la crise sanitaire, tout s’est ralenti légèrement car je voyageais beaucoup auparavant pour ma production. J’ai donc profité de cette période pour réaliser un master à Milan en Business Management pour les industries du Design. L’idée était de me forger des connaissances solides en business qui pourraient me servir pour ma propre entreprise.
Toutes vos productions se font-elles en Inde ?
Je travaille avec un atelier à Jaipur, une ville très riche pour l’artisanat, la création de textiles et de bijoux. Je fais venir toutes mes soies de petits ateliers de tissage situés dans des villages indiens membres d’un programme créé par l’état de Maharashtra pour soutenir les petites économies rurales.
Dans mon atelier à Jaipur, je travaille sur de grandes tables sur lesquelles j’épingle ces soies blanches. Je sélectionne mes couleurs et prépare mes teintures : un gel épais qui sèche sur les tissus avec lequel je peux créer des superpositions, ce qui me permet une réelle profondeur de couleurs. Les tissus sèchent et se rigidifient au soleil pour être ensuite rincés et passés à la vapeur. J’y ajoute ensuite des détails de doré et de noir, puis des broderies en fil de soie… qui créent encore plus de profondeur.
Lorsque les tissus sont prêts, je travaille avec une autre usine pour fabriquer les vêtements à partir de patrons. Je réalise beaucoup de commandes particulières.
Quel était le sujet de votre thèse ?
Alors que je cherchais un sujet, j’ai un jour eu une discussion avec ma mère à propos du Khadi. Le Khadi est un tissu qui était le symbole du mouvement d’indépendance en Inde. Vous avez sûrement déjà vu des images de Mahatma Gandhi filer du coton sur une roue en bois. C’était une forme de boycott pour produire un tissu qui ne proviendrait pas d’Angleterre. Partout en Inde, les gens ont commencé à filer : hommes, femmes, toutes religions et milieux sociaux confondus.
Les gens qui adhéraient à ce mouvement étaient habillés de ce tissu blanc. Mes grands-parents indiens étaient très investis dans le mouvement d’indépendance et travaillaient tous deux pour Gandhi. Ma mère a toujours vu ses parents filer chaque matin dès 4 heures. C’était un symbole fort.
Ce sujet s’est donc imposé à moi, il prenait sens car il liait le textile, ma famille et l’Inde. Je me suis emparée de ce tissu blanc et j’y ai apporté des couleurs spécifiques : lors d’un voyage en Inde, j’ai réalisé des photos de textures dans les espaces, des plans rapprochés de murs, de sols, de matières. Mes inspirations viennent souvent de la photo. J’ai pris des photos des villages dans lesquels mes parents travaillaient, des usines de Khadi…
J’ai ensuite collecté ces images et je les ai rassemblées comme un grand kaléidoscope pour en récupérer les couleurs : terre rouge, murs jaunis, végétation brune… Couleurs que j’ai ensuite appliquées sur mon khadi.
Sur le produit final, rien n’était laissé au hasard. J’y ai associé des textes, des petites histoires liées à ma famille, mon enfance, ainsi qu’un livre de photos et mon essai. En plus de tout cela, j’ai réalisé une collection de bijoux en argent : des plaques d’argent sur lesquelles j’ai recréé les textures de mes photos.
Que souhaiteriez-vous développer dans votre pratique ?
Je souhaite de plus en plus développer des projets de design d’intérieur. J’ai déjà réalisé un meuble avec une soie sauvage en partenariat avec le studio architectural Pendhapa Atelier et récemment je me suis intéressée au monde du tapis aussi. Je souhaiterai aussi travailler avec la céramique, le verre, m’approprier ces autres matériaux et y inscrire mon identité. Le tissu est toutefois mon médium premier. Il permet de lier l’art et la fonction, et offre une interaction intime entre l’humain et l’objet.